Max Howard, grand nom de la création dans le secteur de l’animation, a évoqué dans un retour d’expérience sur la création de fiction originale , les dix règles fondamentales à respecter pour pitcher et vendre un projet de film ou de série à Hollywood. En voici les 10 points clés.
6 MIN. DE LECTURE
Lors de la masterclass animation organisée par The Media Faculty les 9 et 10 juin dernier à Annecy qui regroupait quelques grands noms du secteur, Max Howard [1] a évoqué dans un retour d’expérience sur la création de fiction originale dans le secteur de l’animation, les dix règles fondamentales à respecter pour pitcher et vendre un projet de film ou de série à Hollywood.
How to pitch IN HOLLYWOOD ?
Voici les 10 règles à maîtriser pour pitcher et vendre un projet à un studio US quel que soit son genre ou son format :
- Story, story, story
- Great story : une histoire originale (un high concept si possible) ;
- Believable world : une arène crédible ;
- Engaging Characters (cf. notre checklist pour établir un bon protagoniste de fiction). N’oubliez pas de soigner particulièrement vos personnages de méchants qui doivent mettre à l’épreuve le héros et nous faire découvrir son âme.
- The hero’s journey
- A Hero’s journey : un protagoniste doit apprendre une leçon de vie. Terminator 2 ou Harry Potter en sont de bonnes illustration. Au départ, le héros est infantile, non formé. Quelqu’un vient le chercher et le forme…
- A buddy movie : une histoire d’amitié entre un duo attachant de personnages aux caractères opposés ;
- A love story : une histoire d’amour.
- The set-up
- The inciting incident
- Ready – steady – go !
- REMARQUE : l’exposition, le déclencheur et la formulation de l’objectif définissent le contenu de l’acte 1. Pour être sûr que votre objectif vous aidera à structurer votre film ou votre série, n’oubliez pas de lui associer des enjeux forts en vous posant les questions suivantes : que risque mon protagoniste s’il échoue ? Que gagne-t-il s’il réussit ? Plus ces éléments seront concrets et visuels, plus votre histoire aura un moteur dramatique puissant.
- The adventure
- Find
- Success but wait
- The triumphant finale
- Full circle
Que vous travailliez sur un long métrage, où les personnages doivent avoir une trajectoire personnelle importante, ou sur une série TV (où au contraire, les personnages ne doivent pas fondamentalement changer durant 100 épisodes), ces deux modes de narration ont trois choses en commun :
Pour connaître les règles principales d’identification, n’hésitez pas à vous reporter à la masterclass : comment commencer une histoire et concevoir un concept de série ou d’épisode.
Avant de s’attaquer à une histoire, il faut dès le départ savoir sur quelle structure de base elle repose. Le squelette doit être clair et simple, par exemple :
Astuce : pour écrire les deux dernières structures, le mieux est de se référer à l’image d’un ACCORDÉON. Il faut prendre les opposés, les faire se rencontrer puis les séparer à nouveau pour faire de la musique.
L’arène de départ : où sommes-nous ? Qui sommes-nous ? Ces éléments ont besoin d’être très explicites et limpides pour nous faire comprendre rapidement qui est le personnage, son univers et ses enjeux personnels.
Exemple : « Finding Nemo (Le Monde de Nemo) : young man, new wife, building a family and it’s gonna be destroyed. »
Il s’agit du déclencheur (le 1 du « 1-2-3 ») : quelque chose de suffisamment fort arrive pour obliger le personnage principal à réagir et à entreprendre des actions significatives pour retrouver son équilibre.
Exemple : « Finding Nemo : Nemo is kidnapped. »
ATTENTION : cette étape est cruciale car elle entraîne toute la suite de l’histoire. Au XXIe siècle, il faut plus que tout s’assurer que votre public ne soit pas distrait (qui n’a jamais vu quelqu’un consulter son téléphone au cinéma ?). Comment ? En faisant en sorte que le déclencheur arrive vite après votre exposition. Plus ces deux moments du pitch seront rapprochés, plus vous aurez une chance de conserver l’attention.
Exemple : « Star wars » (La guerre des étoiles, épisode 4 — Un nouvel espoir) : le temps d’exposition est long avant le déclencheur (Luke découvre la mort de son oncle et sa tante). Pour empêcher le spectateur de zapper, vous devez lui donner une « road-map », c’est à dire des directions qui vont lui faire rapidement comprendre de quoi il va être question, l’arène de départ devenant le moment idéal pour mettre l’accent sur la faille du personnage et éviter les erreurs de débutant.
Un personnage sans objectif clair est un personnage passif. Assurez-vous dès le départ que votre déclencheur est assez puissant pour permettre à votre personnage principal de formuler un objectif à poursuivre cohérent et en lien avec son déclencheur.
Exemple : « Finding Nemo : to find Nemo. »
Pendant les deux tiers du récit, il vous faut maintenir l’attention en créant une véritable trajectoire pour votre personnage. Que doit-il apprendre à faire ? Dans quelle activité le voit-on s’illustrer ? Vous avez bien sûr reconnu le 2 du « 1-2-3 » (cf. notre masterclass sur la tâche et le breakdown, véritable jackpot du scénariste), notion clé de tout pitch qui doit permettre à votre interlocuteur de visualiser le cœur du récit.
Exemple : « Star wars : adapting, experimenting, getting it together, being broken down… » Luke doit apprendre à être un Jedi pour changer et atteindre son objectif.
Votre personnage a trouvé ce qu’il cherchait, mais comment l’avoir ?
Exemple : « Finding Nemo : nous avons retrouvé Nemo. » C’est aussi ce type de moment dans un film ou un épisode de série policière où l’enquêteur a identifié le coupable. Il lui reste maintenant à prouver sa culpabilité par une dernière démonstration de force.
Il manque encore un dernier retournement de situation : l’objectif est presque atteint mais quelque chose d’inattendu arrive.
Exemple : dans Finding Nemo, un nouveau filtre est mis dans l’aquarium. Dans Star Wars, Ian Solo disparaît et Luke se retrouve seul pour combattre l’étoile de la mort. A ce stade, le personnage n’a pas encore totalement changé, une dernière épreuve doit lui permettre d’avoir une révélation morale pour finaliser sa trajectoire.
Le héros doit vaincre son opposant dans un dernier défi en dépassant sa faille (cf. notre masterclass dédiée à la rédaction du « 1-2-3 » ou comment rédiger un synopsis et le finir avec panache).
Exemple : dans Star Wars, c’est la dernière phase de l’apprentissage de Luke qui doit apprendre à faire confiance à la force (c’est-à-dire… Dieu. « Jesus takes the Wheel ».). Un bonus nous est donné quand Ian Solo vient l’aider au dernier moment, concrétisant les espoirs que nous avions mis dans ce personnage.
C’est la dernière étape qui vient clore l’histoire de manière satisfaisante en récompensant le spectateur de son attention. Pour le personnage, « life will never be the same ». Il a changé par rapport à ce qu’il était dans l’arène de départ : il a grandi, le monde dans lequel nous le laissons, n’est plus le même. CQFD.
Le pitch étant un art difficile, il est possible que certains de vos interlocuteurs ne vous laissent pas dérouler jusqu’au bout vos différentes étapes. A vous de rendre chacune d’entre elles, originales, percutantes, intéressantes, tout en étant aussi ramassé et concis que possible pour que l’ensemble de l’opération ne vous prenne pas plus de 3 minutes.
Dernière astuce pour la route : ne misez pas tout sur le même cheval et prévoyez 3 ou 4 pitchs différents à chaque rendez-vous commercial, cela vous permettra de rebondir en cas de refus sur l’un ou l’autre de ces projets. Au pire, vous aurez montré votre savoir-faire à construire des histoires, au mieux, vous aurez vendu plusieurs projets à la fois 🙂
High concept remercie The Media Faculty pour son invitation. La master class Ecrire des films et séries d’animation a réuni de grands noms du secteur qui ont échangé des retours d’expérience, leur vision du marché, et comment pour certains, ils sont passés du cinéma à la série, de la BD au jeu vidéo, etc., les frontières entre les différents mondes étant devenues plus que jamais poreuses.
L’équipe High concept vous proposera tout au long de l’été plusieurs billets pour mettre en perspective les différentes interventions que nous avons trouvées toutes très intéressantes, les modes d’écriture évoqués sur l’animation, le jeu vidéo ou la bande dessinée ouvrant des pistes de réflexion sur l’évolution de la façon de raconter les histoires en TV ou au cinéma et ses conséquences sur les modes de consommation du public.
[1] Rapide bio de Max Howard : il a participé à la création et à la direction des studios de Disney en Europe. Ses contributions les plus célèbres au sein de Disney comprennent Qui veut la peau de Roger Rabbit ? ; La Petite sirène ; La Belle et la Bête, Aladdin et Le Roi Lion. Il a été également président de l’animation chez Warner Bros pour qui il a développé Le Géant de fer et Space Jam. Producteur exécutif chez Dreamworks, il a travaillé sur Spirit, l’étalon des plaines. Il produit actuellement une série de films animés pour Exodus Film Group, dont Igor, sorti en 2008. Il est aussi producteur exécutif sur différents projets de films animés indépendants dont Saving Santa, prévu cette année, ainsi que Cow in the run, 100% wolf ou encore Zombie Rocks. Enfin, Max Howard est reconnu pour ses activités d’enseignant. Membre de l’Academy of Motion Picture Arts & Sciences, ainsi que de la British academy of film & television arts, il a récemment reçu un Doctorat en Arts de la Teeside University en l’honneur des services rendus à l’industrie de l’animation en Grande Bretagne.
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