Si l’on a vendu son projet, c’est qu’a priori un producteur voire un diffuseur l’a trouvé assez bon pour miser dessus, alors pourquoi souvent, cela s’accompagne-t-il d’un retravail plus ou moins profond du texte qui aboutit au mieux à conserver l’esprit de votre projet, au pire à le changer complètement ? La réécriture est pavée de […].
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Si l’on a vendu son projet, c’est qu’a priori un producteur voire un diffuseur l’a trouvé assez bon pour miser dessus, alors pourquoi souvent, cela s’accompagne-t-il d’un retravail plus ou moins profond du texte qui aboutit au mieux à conserver l’esprit de votre projet, au pire à le changer complètement ?
La réécriture est pavée de bonnes intentions
En général, on ne vous fait pas réécrire parce que votre projet n’est pas bon ou mal écrit mais parce que quelqu’un dans la chaîne de production (le producteur ou son directeur littéraire, le diffuseur, le réalisateur, l’acteur…) pense pouvoir le rendre meilleur. Cependant, une fois que les centaines de petits changements sont apportés au projet initial, ce dernier n’existe plus.
Comme la torture chinoise, la mort résulte des milliers de petites coupures…
Un diffuseur et un producteur ont besoin de rentrer dans leurs frais et peu de gens comprennent combien il est difficile en France de faire de l’argent avec une fiction française (cf. notre masterclass vidéo d’une journée pour préparer un sprint d’écriture pour trouver un concept fort).
La réécriture est censée diminuer le risque
Plus le projet est original, novateur, intéressant, plus le risque est grand : le projet n’est pas une énième resucée de ce que les téléspectateurs ont déjà vu.
Pourtant, ce sont précisément tous les éléments originaux et évocateurs (qui ont fait vendre le projet au début) qui deviennent des handicaps et constituent un risque à la diffusion (ça change…) et le diffuseur malgré ses bons sentiments, n’aime pas le changement.
Ce sont donc les premiers éléments à disparaître lors du retravail.
Il n’est pas rare non plus que le créateur original soit remplacé : c’est effectivement lui qui s’oppose en premier le plus souvent à une nouvelle vision sur son matériel. On embauchera alors un nouvel auteur pour faire les modifications demandées qui pour exister aura lui aussi envie d’imprimer sa marque sur le matériel de départ. Après, ne vous demandez pas pourquoi souvent les produits finis manquent de vision d’auteurs ou de personnages intéressants !
Les demandes de réécriture suivent le jeu des chaises musicales
Votre conseiller de programme peut être remplacé, une nouvelle direction mise en place, ce qui affectera directement l’écriture. Cette dernière aura été modifiée pour plaire à l’ancien boss et remodifiée pour satisfaire le nouveau, et ainsi de suite. Car une fois le projet lancé, tout le monde (Producteur, diffuseur, réalisateur et leur staff) se considèrera comme auteur du projet.
Écrire en TV est oeuvre collective. Même si le droit d’auteur protège en théorie l’auteur et lui donne des garanties, souvent en pratique, bien peu se battent pour faire respecter leur vision, car l’auteur est celui qui a le plus petit pouvoir dans la chaîne de production. Il est déjà reconnaissant s’il peut assister jusqu’au bout à la mise en boîte de son oeuvre.
La réécriture épargne les stars
L’avantage est donc aux auteurs qui ont pignon sur rue, car eux seuls peuvent se prévaloir d’un respect qui empêchera ou amenuisera le nombre de modifications demandées.
C’est l’effet domino : même quand le diffuseur essaye de rester proche du projet original, des changements doivent de toute manière être faits pour convenir aux contraintes budgétaires de tournage. Mais lorsqu’on touche à un élément du script, si petit soit-il, ce dernier entraîne une série de changements en conséquence, qui parfois amoindrissent l’efficacité d’une scène, qu’il faut retravailler à son tour, et ainsi de suite. Les dominos tombent les uns après les autres.
C’est le système. Après, de là à dire que c’est la raison pour laquelle de nombreux scénaristes se tournent vers l’écriture de bouquins ou vers la réalisation, il n’y a qu’un pas. Et vous, qu’en pensez-vous ?
thierry
Perso, j'ai eu toujours a faire, pour l'instant, a des prods avec qui je pouvais faire entendre mon opinion, cars elles n'étaient pas dans une situation trop supérieure a la mienne.
Néanmoins, un de mes projets est partis en réécriture dans un autre pays, car c'était la condition pour que ce pays entre en coprod et finance le projet.
Le nouveau scénariste ayant la confiance de l'autre prod, quoi qu'il écrive, a quelques détails près, sera validé et non négociable.
Le résultat : un film pour les moins de deux ans, le gars ayant gommé toutes les aspérités de l'histoire, disparu l'humour, les perso secondaires, le mystère, etc…
A mon pote, qui doit le réaliser, ainsi qu'a la prod qui a initié le projet, de décider d'accepter tout ça pour lancer le projet coûte que coûte. (ou pas)
Une décision difficile pour eux.
Mais pour mon prochain projet, je vais devoir le proposer a une autre prod, une grosse, une qui a fait ces preuves, une qui a la confiance des financiers et qui n'a pas peur des gros budgets.
Comment résister lorsqu'ils me diront "c'est pas mal mais tu vas le ré écrire avec un de nos gars" ?
Comment éviter de se faire écraser dés le début?
High concept
Merci Thierry pour ce retour d'expérience.
Effectivement, ce n'est pas facile de résister quand on veut éviter de se faire débarquer à la première discordance de vue sur un gros projet. Il faut donc faire le bon choix.
J'aborde ce point à la fin de mon billet : Envoyer un scénario, comment être lu ?. Je pense que c'est au final une question de priorité et de tempéremment personnel. Le mieux est toujours d'essayer au maximum de connaïtre votre producteur avant de signer quoi que ce soit : harcelez le de questions, parlez de vous et voyez sa réaction, renseignez vous sur ses faits d'armes passés, sa réputation (a-t-il déjà travaillé avec de jeunes auteurs? Comment envisage-t-il le développement? Quelles concessions est-il prêt à faire pour vendre? etc.) De toutes les façons vous saurez tout ça à la première négociation financière, à sa façon d'agir, vous reconnaitrez dans ses pratiques ses principales caractéristiques. S'il essaye dès l'option de vous mettre une clause d'éviction ou de substitution, et que vous n'arrivez pas à négocier ces clauses, ca ne sent pas bon à mon humble avis mais vous serez prévenu.
thierry
Merci !